G. Kaenel: L’an -58. Les Helvètes

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Titel
L’an -58. Les Helvètes. Archéologie d’un peuple celte


Autor(en)
Kaenel, Gilbert
Reihe
Le Savoir suisse
Erschienen
Lasuaane 2012: Presses polytechniques et universitaires romandes
Anzahl Seiten
152 S.
Preis
ISBN
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Michel E. Fuchs

Dans la précieuse collection du «Que sais-je?» suisse, G. Kaenel fait le point sur ce que nous savons aujourd’hui de nos ancêtres les Helvètes. Le principe de la série «Grandes Dates» est de tourner autour d’une date marquante dans le domaine historique abordé. C’est 58 av. J.-C. qu’a retenu l’auteur, année de migration, année d’échec, année de fin et de commencement. En parfait connaisseur du monde celtique, en fouilleur du Mont Vully, en expert de la période de La Tène, G. Kaenel nous entraîne avec précision, sans être dénué de style, aux origines du peuple qui fera du Plateau suisse une unité. Si toutes les données documentaires sont prises en compte, c’est essentiellement à l’archéologie que l’auteur laisse une place majeure. Il sait cependant les limites de l’exercice et n’hésite pas à insister sur la grande part descriptive qu’applique l’archéologie, limitant à une portion congrue la part interprétative (p. 13). De même, G. Kaenel dit les erreurs idéologiques et d’inter pré ta tion autour du concept «celte», les changements intervenus après la Seconde Guerre mondiale, les nouvelles tendances de l’interprétation. Les Teutons sont des Helvètes. L’histoire de la recherche n’est pas mise de côté ni les textes antiques et leur influence sur l’approche de ce peuple celte arrivé du sud de l’Allemagne ou, selon Claude Rapin revisitant le texte du géographe Ptolémée, installé de longue date sur le Plateau suisse. Grâce à un graffito en langue étrusque, on connaît l’existence d’un Helvète qui signe une coupe à Mantoue à la fin du IVe siècle av. J.-C., ce qui ne nous dit pas précisément d’où il venait. C’est donc à Jules César que l’on doit la plus précise des descriptions des Helvètes au moment de leur migration. Le récit ouvre même ses Commentaires de la Guerre des Gaules, les occupants du Plateau lançant une série de campagnes sur plusieurs années en Gaule chevelue. C’est à Bibracte, rappelle celui qui a accompagné les débuts du parc archéologique, du musée et du centre de recherche européenne installés sur place, que César rédige ses Commentaires. On aurait envie de dire dans la maison 1 du Parc aux chevaux fouillée par l’équipe lausannoise (Daniel Paunier, Thierry Luginbühl (dir.), Bibracte: le site de la maison 1 du Parc aux chevaux (PC1): des origines de l’oppidum au règne de Tibère, Glux-en-Glenne: Bibracte, Bibracte 8, 2004). Et c’est par la défaite des Helvètes dans ce même lieu qu’est finalement initié le récit de César, par la confrontation entre la stratégie héritée du monde hellénistique, celle de la phalange helvète, contre celle de la tortue romaine, avec la victoire de cette dernière – on notera que le dessin de restitution du combat du début juin 58 av. J.-C. n’est pas très réussi de ce point de vue là, ne rendant pas compte de l’ordonnance d’une phalange. Les Helvètes sont alors renvoyés sur le Plateau suisse. G. Kaenel use ensuite de «confiance prudente» à l’égard du texte de César, le seul texte que nous avons à disposition pour cette période, afin de donner les indications essentielles concernant les Helvètes, tout en n’hésitant pas à poser les questions que la version césarienne suscite. La société, son organisation et les hommes qui la composent sont ainsi passés en revue. L’auteur insiste sur le renouvellement continu de l’archéologie autour des Helvètes. Il nous invite aux origines de l’Âge du Fer sur le Plateau suisse, à la protohistoire de cette «Helvétie», allégorie de la Confédération inventée au XVIIe siècle qui a fini par devenir synonyme de la Suisse, pour mieux s’arrêter aux IIe et Ier siècles av. J.-C., avec ses caractéristiques
matérielles et structurelles, l’occupation du sol par les oppida et les quelques fermes connues. Les oppida sont ces villes gauloises qui ont marqué le paysage dès la fin du IIe siècle jusqu’à l’emprise romaine; quinze en ont été reconnus en Suisse, dont cinq dans le seul canton de Vaud (Lausanne, Sermuz, Yverdon, le Mont Vully et le Bois de Châtel près d’Avenches). C’est la partie centrale de l’ouvrage, celle qui reflète l’un des grands apports de l’archéologie ces dernières années, de même que l’intérêt porté aux voies de communication, aux ponts comme aux routes, signes d’un aménagement concerté du territoire. Le monde des morts a aussi sa place, avec la prépondérance étonnante des tombes féminines. Le religieux, si présent chez les Gaulois selon César, révèle mystérieusement son étendue et a vu un lieu de culte se faire récemment connaître de manière exceptionnelle sur la colline du Mormont près de La Sarraz; il ne faudrait pas en oublier les autres témoins que sont certains dépôts votifs, les grottes et les statues en bois trouvées à Genève, à Yverdon et à Villeneuve. Maniant avec habileté la riche et récente documentation fournie par le terrain, G. Kaenel convoque tous les témoins possibles autour de cette date de 58 av. J.-C. pour conclure par des suggestions, des questions, tout en admettant qu’aucune trace de l’incendie des villes et des villages évoqué par César ne soit attestée à ce jour. La longue enquête à laquelle nous invite G. Kaenel se présente comme une suite d’énigmes qui ne sont pas toutes résolues. La prudence scientifique et l’audace interprétative se mêlent dans un volume qui fera date.

Zitierweise:
Michel E. Fuchs: Compte rendu de: Gilbert KAENEL, L’an -58. Les Helvètes: Archéologie d’un peuple celte, Lausanne: PPUR (Coll. Le Savoir suisse), 2012. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 121, 2013, p. 287-286

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Revue historique vaudoise, tome 121, 2013, p. 287-286

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